Le 12 juillet Eric Borghini soufflera ses cinquante bougies… Le 12 juillet, cela ne vous rappelle rien ?
Un anniversaire que le président du district de la Côte d’Azur de football commente à sa manière, affirmant par exemple volontiers : « je suis un jeune vieux, après vingt-cinq ans de Comité Directeur dont quinze années de présidence. A cinquante ans, on est un… ado prépubère… »
Si vous lui demandez s’il poursuivra sa route à la présidence de l’instance départementale du football français, Eric Borghini répond d’une simple formule : « Si j’en ai le désir, j’en aurai la capacité… »
Nous sommes allés à la rencontre de ce passionné passionnant, de cet avocat défenseur d’un jeu qu’il honore, d’un sport qu’il adore : le football.
Maître Borghini, vous avez la parole !
Le district de la Côte d’Azur a soutenu Fernand Duchaussoy, le candidat sortant, lors de l’élection à la présidence de la FFF. Mauvaise pioche président ?
Je tiens à être très clair sur ce point : le district de la Côte d’Azur et son président ne sont pas entrés dans l’opposition le 18 juin dernier après l’élection de Noël Le Graet dès le premier tour avec 54,34 pour cent des voix. Je souhaite simplement beaucoup de courage au président élu, les chantiers ne vont pas lui manquer…
C’est-à-dire ?
Le chantier de l’administration fédérale se présentera très vite à sa réflexion avec 310 salariés dont 190 cadres, 15 directeurs. L’administration fédérale est devenue une… armée mexicaine avec des salaires importants, croyez-moi, pour certaines personnes… Ce ne sera pas le seul chantier. Le nouveau président devra en effet également travailler sur le dossier si important de la Direction Technique Nationale dont un audit a été confié à Joël Muller. Il y a également le chantier des équipes de France et l’immense, je pèse mes mots, l’immense satisfaction issue des performances de l’équipe de France féminine qualifiée pour les demi-finales de la Coupe de Monde après avoir éliminé l’Angleterre aux tirs au but samedi en Allemagne…
L’arbitrage également sera au menu du nouveau président de la Fédération française de football ?
Evidemment, un seul été ne suffira pas d’ailleurs à régler certains problèmes. N’oublions pas la grève des arbitres, la décision des instances de faire arbitrer une journée de Ligue 1 par des arbitres du championnat National… Soyez persuadés que je souhaite beaucoup de courage à Noêl Le Graet. Etre président de la FFF, c’est avant tout être président de tout le football français, ce n’est pas uniquement s’occuper du marketing. Un président doit rassembler… Dans ces conditions, le président élu devra, me semble-t-il travailler la qualité de son relationnel sans oublier qu’il doit, en grande partie son élection, au football amateur. Le président devra également animer le service public que représente son élection, son poste…
Soutenir Fernand Duchaussoy, c’était oublier le besoin de changement, la grande envie de tourner rapidement la triste page bleue écrite en Afrique du Sud ?
Ne pensez-vous pas que l’on soit un peu trop indulgents avec l’équipe de France de Laurent Blanc qui n’arrive pas à battre la Bielorussie (1-1) au cours d’une récente rencontre qualificative à l’Euro 2012 ?
Aujourd’hui, l’équipe de France est en stade de stabilisation. Pendant longtemps certains arbres ont caché une forêt de problèmes. Sous certains résultats se sont lézardées des personnalités contrastées comme on a l’habitude de dire désormais. La crise de l’équipe de France était avant tout une crise de gouvernance fédérale. L’Euro 2012, nous le savons tous, sera très vite là, c’est à Laurent Blanc de faire le job…
Le district de la Côte d’Azur que vous présidez a enregistré une baisse d’environ 12 % du nombre de licenciés sur les trois dernières saisons. Un des effets néfastes de la dernière Coupe du monde ?
Il n’y a pas que cela. Nous enregistrons une baisse de 4,5% au moment où la baisse de la moyenne nationale est de l’ordre de 5,5%. Cela dit, cette baisse s’explique par un phénomène technique. Aujourd’hui, l’attribution des licences est devenue plus rigoureuse, plus proche de la réalité. Ce sont les clubs qui font la demande du nombre exact de licences dont ils ont besoin. Cela dit, il ne faut rien se cacher, les polémiques, certains mini-scandales ont dégradé l’image du football français…
Je n’ai rien oublié au moment d’apporter le soutien de notre district à Fernand Duchaussoy. Surtout pas qu’il s’agit d’un homme responsable qui a de grandes qualités humaines. Fernand Duchaussoy est un homme droit, un homme pur. Il avait mené à bien la réforme de la gouvernance fédérale. Je reste persuadé que nous devions le laisser aller au terme des dix-huit mois qu’il avait à accomplir en tant que président de la FFF. Il fallait achever définitivement la réforme de la gouvernance fédérale et, après seulement, en décembre 2012 opérer le grand changement souhaité. J’ai toujours considéré la démarche de Fernand Duchaussoy d’accepter le poste qui fut le sien, comme très courageuse. Je ne changerais par d’avis aujourd’hui… Fernand Duchaussoy aurait mérité de terminer le travail entrepris la tête haute…
La violence reste le fléau numéro un du football. Un mal difficile à éradiquer…
Je vais être très franc, je ne crois pas que l’on réussira à éradiquer la violence. C’est un vrai problème. Cela étant je persiste à affirmer que les clubs de notre district continuent à faire passer les bons messages afin de lutter contre ce vrai fléau qu’est la violence. La violence est avant tout un problème de société… Vous savez, en réalité, le football est aujourd’hui un microcosme d’une société désenchantée, sans aucun repère…
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Selon vous, la violence est-elle liée avant tout à la qualité de l’arbitrage ?
Tout d’abord il est nécessaire de distinguer l’arbitrage de l’élite et l’arbitrage chez les amateurs. L’arbitrage de l’élite est ce que l’encadrement national en a fait. La Direction Nationale de l’Arbitrage (DNA) a une vision de standardisation de l’arbitrage. J’ai arbitré pendant quinze ans, aujourd’hui, sur le plan technique et intellectuel, je peux affirmer que l’évolution de l’arbitrage a été positif… J’ai par exemple comme arbitre un professeur de mathématique qui vient de réussir son CAPES… Au district de la Côte d’Azur, notre encadrement du corps arbitral a toujours été exemplaire avec des hommes de qualité comme Gilles Ermani et Claude Colombo, pour ne citer qu’eux…
La saison dernière a été difficile, voire même très difficile pour les clubs professionnels de votre district : Monaco s’est retrouvé en Ligue 2, Nice a eu beaucoup de mal à défendre sa place en Ligue 1 et Cannes est toujours en troisième division…
Je dois avouer que j’ai été extrêmement inquiet pour Nice. Monaco est certes descendu en Ligue 2 mais les Monégasque – ce qui n’est pas rien – ont gagné la Coupe Gambardella. C’est bien la preuve qu’une relève de qualité existe à Monaco. Aujourd’hui, la problématique du football est toute entière tournée vers les ressources, les moyens. Avoir trois clubs phares sur une bande côtière d’environ 20 kilomètres avec Nice, Monaco et Cannes, ce n’est pas évident. Dans le football, j’ai l’habitude de dire que l’argent est nécessaire mais pas suffisant. Le football est une école, l’argent ne suffit pas, il faut des qualités humaines pour faire grandir, faire avancer un club… Pour revenir à l’argent, très souvent le fond d’une équipe est constitué par des joueurs de qualité qui sont chers…
Cannes eut, en son temps, la belle image d’un club formateur exemplaire, ce n’est plus tout à fait vrai aujourd’hui ?...
Je ne suis pas d’accord avec votre affirmation, aujourd’hui à Cannes, il existe toujours un flux de jeunes joueurs entre l’Association et l’équipe première . Cette constatation permet de réduire les coûts. Vous savez, l’argent ne suffit pas, il faut également pouvoir s’appuyer sur certaines qualités humaines. Le football est avant tout une école de la vie…
Une école où l’humilité, certains, l’oublient peut-être un peu trop vite, est indispensable lorsque l’on veut réussir ?
J’ai l’habitude d’affirmer que le football c’est très souvent… « la Polka des égo » mais pour ceux qui veulent réussir, l’humilité est une qualité indispensable. Il faut savoir reconnaître ses erreurs, accepter de les corriger et repartir de l’avant.
Avez-vous certains exemples dans ce domaine ?
Pour moi, l’Olympique Lyonnais et Jean-Michel Aulas son président sont de vrais exemple à suivre. Jean-Michel Aulas est un véritable capitaine d’industrie qui a écrit les plus belles pages de l’OL, mais aussi très certainement quelques-unes des plus belles pages du football français. Jean-Michel Aulas a su concilier le football busines tout en sachant entretenir une vraie culture club, continuant à former des joueurs de qualité. Et puis, Jean-Michel Aulas et l’Olympique Lyonnais viennent d’offrir à la France sa première Ligue féminine des champions. Il a su structurer son club en y incluant tous les paramètres. Jean-Michel Aulas a su, par exemple diversifier l’offre proposée par son club en y incluant une victoire en Coupe d’Europe féminine. Tout cela lui permet incontestablement de faire face à la crise…
L’arrivée des Qataris dans le football français, notamment au Paris- Saint-Germain ?
Michel Platini dit ne pas être spécialement fan de ce genre d’arrivée… Si demain, nous avons cette chance, en s’entourant évidemment de toutes les conditions, pourquoi refuser de tels investisseurs…
Le récent doublé Coupe-Championnat des Lillois au plus haut niveau du football français ?
Les succès de Lille la saison dernière ont apporté la preuve qu’il n’y a aucune vérité dans le football. Tout leur a réussi, tant mieux. Le doublé de Lille a proposé de l’air frais au football français. Lille a réussi l’amalgame de tous les ingrédients nécessaires afin de construire une véritable équipe.
Comment vous définiriez-vous si on vous le demandait ?
Je suis un président qui préside, j’impulse une politique. Depuis vingt ans, je travaille tout le temps, prenant quatre ou cinq jours de repos par ans…
Un souhait pour conclure ?
Que la communauté footballistique azuréenne reste unie… Je souhaite également pouvoir proposer des idées nouvelles. Je vais par exemple proposer la création d’une commission de l’éthique, la création d’un CSD, un Conseil Stratégique du Développement du football azuréen, créer une structure de médiation, nommer un déontologue. Globalement, je souhaite évidemment, rester en phase avec les clubs de notre district…
Merci président… Excellent anniversaire.
Au fait, le 12 juillet 1998, la France devenait championne du monde de football face au Brésil.
… Et un… et deux… et trois zéro…
Vous ne l’aviez pas oublié au moins ? ...
Propos recueillis par Hervé SOMNARD
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