C'est comme cela, sans qu'on puisse vraiment expliquer "le pourquoi du comment" mais le fait est qu'il y a des personnes avec lesquelles vous vous sentez immédiatement sur la même longueur d'ondes.
 Des personnes avec lesquelles "vous accrochez" immédiatement comme l'on dit.
Avec lesquelles le courant passe mieux et plus vite qu'avec d'autres. On le constate très vite sans pour autant pouvoir expliquer ce phénomène qui d'ailleurs n'en est pas un...
Ainsi vont notamment les relations humaines. Les relations humaines, leurs intérêts, leurs qualités, leurs richesses mais aussi parfois -malheureusement- leur pauvreté. Cela arrive.
Bref ce jour-là, à Cannes, dans l'immense salle de retaurant de "la Piazza", nous avons retrouvé Michel Dussuyer avec plaisir. L'homme est sain, simple, carré, direct. Après le courant, c'est le respect avec un grand "R" qui passe super bien entre nous.
Un respect réciproque évidemment.
Un mot encore, ce jour-là, l'ami Gilbert Chamonal était à nos côtés. Bref nous étions entre passionnés.
J'ai posé des questions, Gilbert aussi. Michel a répondu sans s'arrêter. C'était le but du jeu, c'est vrai...
Tour à tour européen puis sélectionneur de l'équipe nationale de Guinée - son contrat prendra fin en 2014 - il est l'homme des valeurs. Celles qui habitent depuis toujours cet éducateur d'exception. 

Michel Dussuyer entre deux continents, c'est maintenant !

- Récemment sur Arte, Eric Cantona nous a présenté quatre portraits de footballeurs de talent mais surtout quatre hommes qui se sont investis au-delà de leurs qualités de sportifs de haut niveau. Drogba que tu as bien connu Michel, faisait parti de ces quatre grands. 
- J'ai connu Didier Drogba lors de la Coupe du monde en Allemagne en 2006. A cette époque je faisait partie du staff de l'équipe nationale de la Côte d'Ivoire avec Henri Michel. Drogba est avant tout un gars qui, a le sens des responsabilités. Tu sais, en Afrique, l'équipe nationale de football a très souvent une grande valeur fédérative. Tout le monde se retrouve vraiment derrière l'équipe nationale de tel ou tel pays... 

- Tes premiers pas en Afrique ? 
- Au départ, c'est un choc sur beaucoup de plans, sur le plan culturel et professionnel par exemple. Cela dit, le choc en question concerne surtout le domaine professionnel. La logistique entourant telle ou telle équipe nationale est très souvent surprenante. Quand tu arrives en Afrique, tu dois obligatoirement faire preuve de réelles qualités d'adaptation... La première fois que je suis arrivé en Guinée, j'ai été surpris par l'amateurisme de l'organisation... Lors de la première séance d'entrainement il y avait 10 000 personnes au stade. En Afrique, il y a une passion énorme autour du football. Elle est plus forte qu'en Europe. En Afrique le football a gardé une place très forte. Cela dit, les problèmes de logistique sont constants...

   "Pas sûr que Paris soit champion à la fin de la saison..."

 - Une image parmi beaucoup d'autres de la Guinée ? - A Conakry, les gosses jouent au foot dans la rue. Ils mettent en place deux buts en pleine rue et c'est parti. Ce sont les conducteurs des véhicules qui doivent être vigilants, pas les jeunes footballeurs...

 - L'Africain et le football ?
- L'Africain est fait pour le football, c'est incontestable. Ce sport s'appuie sur la vitesse et la puissance qui sont deux qualités naturelles des Africains. D'autre part sur le plan technique, il est incontestable que les Africains ont le rythme dans la peau... Chez eux le rythme est inné. Ils ont une réelle facilité à assimiler les gestes techniques. L'Africain est tout simplement prédisposé pour le football...   

- 14 millions d'euros de salaire annuel pour Ibrahimovic au Paris Saint-Germain, c'est pas indécent ça ?
 - Quand on affirme qu'un tel salaire annuel est indécent on est en paix avec soi-même. Bien sûr qu'une telle somme est indécente. Indécente comme le fils qui perçoit un héritage de plusieurs millions d'euros ou certains salaires mensuels perçus par des patrons de grandes entreprises. L'indécence tu la trouve dans beaucoup de lieux, dans de nombreuses situations. Aujourd'hui, tout le monde parle de la prochaine équipe du Paris Saint-Germain en occultant complètement l'intérêt que ces transferts peuvent avoir pour le championnat de Ligue 1. Tout le monde va profiter des investissements du P S-G. Il y aura des retombées pour tous.

 - L'intérêt sportif dans tout cela lorsque l'on sait de Paris sera forcément champion à la fin de la saison ?
- Je ne suis par d'accord avec toi, rien n'est écrit par avance. Pas sûr que Paris soit champion à la fin de la saison...  

- La Coupe du monde de football aura lieu au Qatar en 2022 ?
- C'est avant tout le résultat du ... pouvoir de l'argent !   

  - Un mot sur la performance réussie par Hervé Cannois, vainqueur de la dernière Coupe d'Arique des Nations comme coach de la Zambie ?
 Hervé a réussi un truc extraordinaire. La Zambie est une bonne équipe. Ce groupe est monté en puissance au cours des quatre dernières CAN. Lors de leur victoire ils ont été au maximum de leurs possibilités avec un brin de chance également. Cela dit, tu ne gagnes pas une compétition comme la CAN si tu n'as pas un peu de réussite, un peu de chance... 

- Le parcours de la Guinée, ton équipe, en vue de la prochaine CAN 2013 en Afrique du Sud ?
- En juin, nous avons perdu chez nous 3-2 face à l'Egypte. On réussit à égaliser puis notre gardien concède un pénalty, se fait expulser. L'Egypte s'impose à deux minutes de la fin du match. Cette défaite "plombe" notre parcours, il ne faut rien se cacher... Cela dit, nous sommes des compétiteurs, nous continuons tous à croire la qualification possible... Dans notre groupe il y a aussi le Mozambique et le Zimbabwé...

- Vainqueur de la Coupe d'Afrique des Nations, Hervé Renard a mis un certain temps avant de recevoir son salaire ?

"Dans le football, les agents sont devenus incontournables..."

 - L'utilisation de la vidéo dans le football qui a été accepté récemment par la FIFA sera opérationnelle lors de la Coupe du monde 2014 au Brésil. Ton avis ?
 - Le football doit avancer dans certains domaines. Un moment donné tu ne peux plus défendre certaines choses qui sont dépassées. L'important mais aussi de danger c'est de savoir où tout cela va s'arrêter. C'est dans l'utilisation de la vidéo qu'il faut être très précis...

- L'image de l'équipe de France en a en pris un sérieux coup lors du dernier Euro ? 
- Sur cette histoire, tous les commentaires que j'ai lus ou entendus ont été réducteurs. Le comportement des uns et des autres est le reflet de la société en France. Le football n'est pas une bulle, en réalité nous sommes tous fautifs. Il faut savoir éduquer un jeune. L'apparition des agents, tout ce qui nous entoure... Aujourd'hui, les agents sont devenus incontournables dans le football... Quand on évoque l'élitisme, on parle aussi de tout ce qui va avec : réseaux, magouille etc... 

 - On a beaucoup parlé du comportement de Nasri, Menez ou Ben Arfa au cours du dernier Euro mais en 2006, il y eu "le coup de boule" de Zidane...
- Sur ce sujet il est important d'être clair, sur les autres aussi d'ailleurs. Yazid a une éducation, des valeurs par rapport à l'autorité familiale, la hiérarchie. Il a en lui la valeur du respect...

- Ok, mais le soir de la finale il fait probablement perdre la Coupe du monde à la France en se faisant expulser sur son "coup de boule"...
- Il faut replacer tout cela dans son contexte. Yazid était revenu en équipe de France pour gagner ce Mondial en Allemagne. Tout au long de la compétition il a constamment été à fleur de peau. Dans ces conditions, il était évident qu'à tout moment la violence pouvait ressortir. Le soir où j'ai vu Yazid donner ce coup de tête, j'ai eu très mal. Aujourd'hui encore on peut tous affirmer que sur ce coup-là, c'est Materazzi qui fait gagner l'Italie...

 - Un dernier mot sur Cannes. Je suis tenté de dire, d'ajouter "évidemment"...
- J'ai passé trente ans de ma vie à l'AS Cannes, cela représente beaucoup. J'ai signé ma première licence à l'AS Cannes à l'âge de onze ans. Mon premier entraîneur a été Francis Audibert. En 2008 quand je suis devenu entraîneur de l'équipe première du club c'était pour la faire remonter en Ligue 2. Je m'étais mis une pression très importante sur les épaules.L'échec m'a fait souffrir...

- C'est l'époque au cours de laquelle certaines personnes ont dit que tu étais "trop gentil..." ?
- Tu sais, on n'est jamais trop gentil. Disons que chez moi, c'est une forme de naïveté. Je ne peux pas imaginer les coups tordus. Ils ne sont pas, ne seront jamais dans ma nature c'est tout...

       Propos recueillis par Hervé SOMNARD